Cher M. Fillion,
Après la parution de votre partie contre Sylvain Barbeau au numéro janvier/février de notre revue, j'attendais que votre chronique "Souvenirs échiquéens" allait nous régaler avec les meilleures performances de nos maîtres et experts québécois, mais quelle déception! Le numéro suivant d'Échec+ manquait cette intéressante chronique! Personne parmi les Lesièges, les Héberts, les Linskyis, les Schleiffers, etc, ne s'est pas intéressé à faire parvenir leurs souvenirs pour notre appréciation?
Si aucun des maîtres ne veut pas se valoir de cette opportunité, j'espère que vous étiez prêt à publier les souvenirs de quelqu'un beaucoup plus modeste que ça.
Naturellement, à mon niveau, on ne peut pas attendre ni la profondeur ni la correction qu'on s'est habitué à trouver dans les parties de maîtres. Mais on peut quand même s'amuser avec notre jeu royal. C'est avec ça en vue que je vous raconte mon histoire:
Au total, j'ai déjà accumulé dix ans de tournois officiels, quatre années à mon pays d'origine (le Brésil) et six autres ici au Québec, au rythme de cinq ou six tournois par année. Comme vous, moi aussi, j'ai passé pour toute la gamme des émotions, j'ai gagné des parties perdues, et, bien entendu, j'ai perdu des parties gagnées. Ma première partie de tournoi je l'ai jouée contre un jeune homme qui avait même des parties publiées dans l'Informateur. Pas étonnant qu'il a fini pour gagner la partie et le tournoi. Après ça j'ai cultivé l'habitude de me rencontrer sur l'échiquier avec ceux qui deviendraient les champions des tournois auxquels je participais. Plus souvent que non il m'arrivait d'être parié à quelqu'un qu'à la fin remporterait le tournoi qu'on jouait. Pas nécessaire de dire que je n'ai pas vaincu une seule de ses parties. :-)
Des faits cocasses? On a l'embarras du choix: dans une partie de 1990 (dont la position finale a été publiée dans le numéro 92 d'Échec+) j'ai abandonné un coup avant d'atteindre la nullité par pat; à la quatrième ronde du Championnat Ouvert de Montréal 1994 mon adversaire a refusé ma proposition de nulle en disant "non, tu es meilleur, tu peux gagner" (note: il avait raison, j'ai fini par gagner cette partie!); dans un autre tournoi au Brésil, les joueuses à mon côté (deux sympathiques femmes d'age d'or) insistaient, par manque d'attention, à frapper sur mon cadran :-); dans mon deuxième tournoi officiel j'ai atteint cette position:
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et j'ai failli donner un mat étouffé par 1.
h6+
h8 2.
g8+
xg8 3.
f7++. Dans
cette même partie j'ai perdu dans une
position nulle de roi contre roi et pion parce que je ne savais pas encore
la
règle de l'opposition. :-(
Mais la partie qui s'est gravée plus vivement dans ma mémoire n'est même pas une des mes meilleures. Son unicité vient d'un incident après la fin de la partie proprement dite. Je transcris ici la partie avec quelques commentaires et annotations pour votre plaisir et amusement. Le tout s'est passé un dimanche matin, le 23 mai, 1993, c'était la quatrième ronde du "Open de Montréal": Valdir Jorge (1363) X Choow Foow-Charles Chee (1188)1. d4 ![]() ![]() ![]() ![]() Six coups qui suivent la théorie, c'est plus qu'on peut attendre à ce niveau-là! :-) Il fallait jouer 6. ... c5 ou 6. ... e5. 7. ![]() ![]() ![]() Mon pion c était faible, je devais le renforcer par 10. b3. Avec le coup du texte, j'affaiblis le pion c encore plus et je tombe avec un pion arriéré sur la colonne b. Quelle horreur! 10. ... a5 11. ![]() Pour empêcher 12. ... ![]() 11. ... ![]() ![]() et la position noire n'est pas du tout enviable. Ce pion à e6 va causer beaucoup de dégâts... 13... cxd5 14. cxd5 ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() 17. ![]() ![]() ![]() ![]() 17. ... b6 18. ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Il n'a pa vu que son cavalier est en l'air après 29. ![]() 29. ![]() ![]() Charles essaie quelque chose pour rétablir l'équilibre matériel sur l'échiquier, mais cela ne va nulle part. À moins que... 30. ![]() Mon "idée" était 31. ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() 30. ... ![]() ![]() J'étais tellement sûr du mat à g7 que je ne vois pas qu'après 31. ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() 31. ... ![]() ![]() ![]()
Ma volonté de mater à g7 m'aveuglait. Avec le coup du texte mon adversaire pourrait ramasser un avantage décisif avec 33. ... fxg4!! 34. hxg4 ![]() ![]() ![]() 33. ... ![]() ![]() ![]() Bien sûr que 34. ... exf6 ouvre le chemin pour mon pion-roi mais c'était quand même meilleur que le coup du texte. 35. ![]() ![]() ![]() Et je gagne la qualité de façon à réquilibrer le matériel. 36. ... ![]() 36. .... ![]() 37. gxf5 ![]() ![]() Il fallait jouer 38. ... ![]() 39. gxh7+ ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Joli pour lui serai 43. ... ![]() Charles essaye encore pendant une douzaine de coups, mais il était déjà perdu à ce moment-là: 44. ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() À ce moment-là quelque chose de drôle s'est passée: Charles avait oublié de presser le cadran et je l'ai pressé deux fois, une fois pour lui (de façon que mon temps écoulerait) et une fois pour moi, après mon coup de dame. Il a laissé la table de jeu en disant quelque chose que je n'ai pas bien compris, mais que j'ai considéré comme étant l'abandon de la partie. Deux minutes plus tard il revient avec l'arbitre pour réclamer la partie! Je ne comprenais plus rien!! L'arbitre nous a invité à discuter la situation en dehors de la salle de jeu. Moi, je tremblais comme un fou, il était la première fois qu'un de mes adversaires revendiquait la partie dans une telle situation, je ne savais même pas les règles applicables. Charles a essayé de convaincre l'arbitre à lui donner le point. Quand l'arbitre lui a assuré que sa demande n'avait aucune base plausible, il a demandé de partager le point. Encore une fois l'arbitre était irréductible. Charles a tant insisté que l'arbitre, exaspéré, a répliqué: "Vous êtes perdu sur l'échiquier! La seule demande que vous pouvez faire est l'abandon". Charles a finalement accepté d'abandonner la partie. Quand nous retournions ensemble à notre table pour ramasser nos choses, il m'a dit avec un sourire presque angélique: "il fallait essayer quelque chose" :-( Bon, c'est ça. J'espère que ma partie et son histoire vous ait plu. À la prochaine. |
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